La Charte de Quaregnon : retour sur la déclaration de foi des socialistes

La Charte de Quaregnon : retour sur la déclaration de foi des socialistes
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1894-1994 Charte de Quaregnon, timbre de la poste belge, dessin d’Allard Olivier, Bruxelles, 1994, Coll. ALPHAS

Pour tout militant socialiste, la Charte de Quaregnon est le document de référence. Elle représente les fondements du socialisme en Belgique, elle symbolise les valeurs, l’idéal auquel les socialistes croient. Tel était d’ailleurs le but poursuivi par le jeune Parti Ouvrier Belge (POB), né en avril 1885 qui, se rendant compte en 1893 que son programme nécessitait déjà quelques adaptations et devrait sans cesse être adapté, souhaita donc se doter d’un texte doctrinal, moins sujet aux modifications par essence. C’est ainsi qu’est née cette charte, adoptée le 26 mars 1894 lors du 10ème congrès du POB qui se tint dans la ville du même nom, près de Mons dans le Borinage. Cette année, cette vénérable vieille dame fête donc ses 120 ans ! Et pourtant, ce texte si souvent invoqué reste peu connu des plus jeunes.

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Les ouvriers mineurs dans la cage, photographie, s.d, Coll. ALPHAS

Avant de rappeler le contenu de cette charte, il convient de le situer dans son contexte sociétal. Les ouvriers venus travailler dans les centres miniers, métallurgiques et textiles sont alors véritablement exploités par la bourgeoisie dirigeante, leurs droits sont presque inexistants, leurs conditions de vie et de travail sont désastreuses : emploi précaire, salaires de misère qui obligent les femmes et les enfants eux aussi à travailler pour assurer la subsistance de la famille (avant 1889, il n’était pas interdit de faire travailler les enfants de moins de 12 ans ; certains d’entre eux commençaient dès l’âge de 6 ans et n’allaient donc pas à l’école), journées de travail de 12 heures, cadence de travail infernale, pas de congés payés, syndicats et grèves interdits, logements exigus et insalubres, hygiène inexistante, malnutrition courante… Du suffrage censitaire basé sur les ressources financières, autrement dit, excluant les pauvres, on n’est passé le 18 avril 1893 au vote plural où tout homme de plus de 25 ans a droit à une voix mais où certains électeurs (pères de famille, propriétaires ou capacitaires – détenteurs d’un diplôme d’enseignement secondaire) peuvent cumuler jusqu’à trois voix.

Cette charte peut se résumer en quelques points. Le POB se pose en défenseur de la classe ouvrière et de tous les opprimés, sans distinction de nationalité, de culte ou de sexe. Il prône une société égalitaire et solidaire où les classes sociales en particulier ne formeraient qu’une, où tout être humain bénéficierait de la plus grande liberté et du plus grand bien-être possible, le principal moyen d’atteindre cet objectif étant que tout le monde travaille au bien commun sous l’égide de l’Etat. Le POB rappelle aussi dans cette charte qu’il convient d’œuvrer avec les Socialistes de tous les pays pour que cet idéal s’impose dans le monde entier.

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Emile Vandervelde, carte postale, éd. de l’Eglantine, Bruxelles, s.d.

Le principal rédacteur de cette charte n’est autre qu’Emile Vandervelde, alors jeune intellectuel. Par cette charte, il réussit à concilier l’influence du socialisme allemand (Marx, Engels, Ferdinand Lassalle…), basé sur l’action, plus terre à terre, surtout marqué en Flandre, et celle du socialisme français (Jean Jaurès, Proudhon, Charles Fourier, Saint-Simon…), plus idéaliste et qui trouve ses racines dans le siècle des Lumières (Voltaire, Rousseau, Diderot) et la Révolution française avec ses principes de liberté, égalité, fraternité, influence plus marquée en Wallonie. L’influence allemande est néanmoins un peu plus prédominante, d’autant que la Flandre avec Bruxelles constituait l’essentiel du contingent du Parti. Vandervelde réussit aussi à concilier avec ce texte le courant révolutionnaire et le courant plus pragmatique. Il fut également influencé par les autres penseurs du socialisme belge : César De Paepe, Louis de Brouckère, Alfred Defuisseaux et son célèbre Catéchisme du Peuple diffusé quelques mois avant, et surtout celui qu’il considère comme son maître Hector Denis.

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Panorama du centre de Quaregnon, carte postale, éd. U. Plumat, Quaregnon, s.d.

Son texte fit l’objet de débats lors du congrès de Bruxelles des 25 et 26 décembre 1893 avant d’être donc adopté à Quaregnon. A noter qu’initialement le congrès de Quaregnon devait se tenir à Mons mais celui-ci fut déplacé à la demande des Borains qui gardaient en mémoire la tournure sanglante prise par la manifestation qu’ils avaient organisée à Mons en faveur du suffrage universel le 17 avril 1893.

 

Guillaume Rimbaud – ALPHAS, Août 2014

Sources principales :

  • La Charte de Quaregnon : déclaration de principes du Socialisme belge : histoire et développements, éd. de la Fondation Louis de Brouckère, Bruxelles, 1980 
  • La Charte de Quaregnon 1894-1994 : étude pédagogique, éd. Présence et Action Culturelles, Bruxelles, 1994
  • Wikipédia.
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