C’est en 1844 à Rochdale (Angleterre) que des ouvriers tisserands créent la première véritable coopérative (dans sa forme contemporaine) : la Société des Equitables Pionniers. En Belgique, la coopération ouvrière prit essentiellement son envol à Gand en 1880 où Edouard Anseele fonde le Vooruit. La naissance du POB à Bruxelles les 5 et 6 avril 1885 va renforcer le développement du mouvement coopératif en Belgique, chaque région ou corporation de métiers désirant sa propre coopérative.
Au début, la coopération ouvrière prend principalement la forme de sociétés de production (boulangerie puis laiterie, boucherie, cordonnerie, imprimerie, pharmacie…). En 1913, sera même créée la Banque Belge du Travail, de nouveau par Anseele, suivie en 1907 de la Prévoyance Sociale (société coopérative d’assurances). A Liège par contre, le magasin coopératif, outil de proximité, s’impose directement. En 1887, y est créée la Société Coopérative de Consommation La Populaire.
La concurrence qui résulta de l’expansion du nombre de coopératives en Belgique (environ deux cent sociétés) et la pénurie d’approvisionnement pendant la guerre 14-18 va entraîner leur regroupement. A Liège, ce phénomène aboutira en 1918 à la naissance de l’Union Coopérative, qui constituera le plus important regroupement de coopératives s’étendant sur les provinces de Liège, du Luxembourg et un peu sur les provinces voisines.
Plusieurs organismes nationaux et internationaux se succédèrent pour fédérer tous ces ensembles et gérer notamment un magasin de gros, organismes parmi lesquelles on retrouve la Ligue Nationale des Coopératrices (1923).
Si les Socialistes constituent l’essentiel du mouvement coopératif, il existe trois autres courants : la Coopération Libérale (sans visées collectives, elle vise à faire une bonne affaire), la Coopération Catholique (coopérative agricole du Boerenbond) et la Coopération Neutre (sans engagement et dépenses politiques, donc plus rentable).
Concrètement, pour être membre d’une coopérative socialiste, le travailleur devait généralement verser un petit acompte sur la part du capital, qui est lui-même d’un taux modeste. Les bénéfices sont reversés aux coopérateurs en bons-marchandises basés sur le montant de leurs achats coopératifs. La part sociale ne comporte pas d’intérêt. Pour permettre aux ménagères et à leurs filles de participer plus activement à la gestion des Coopératives, celles-ci bénéficiaient souvent de conditions spéciales.
La Coopération socialiste belge va exprimer le besoin d’aller au-delà des principes originaux fixés à Rochdale. Avant toutes choses, elle va développer, avec le reste de ses bénéfices, des services qui relèvent aujourd’hui de la Sécurité Sociale (mutualités, pensions…) et des caisses d’épargne pour les coopérateurs et employés. Lorsque que la Sécurité Sociale fut institutionnalisée en 1944, ces œuvres de solidarité furent réajustées.
Les coopératives, affiliées au POB, vont aussi avoir un rôle de propagande (soutien financier aux grévistes par exemple) et d’éducation (cours pour améliorer le professionnalisme des employés, conférences, publications diverses…). Les coopératives seront également à l’origine des Maisons du Peuple, bâtiments destinés essentiellement à abriter les fonctions d’éducation et de propagande du mouvement ouvrier dans son ensemble (parti, syndicat, mutuelle, coopératives). Cet engagement politique est davantage présent en Belgique qu’ailleurs.
Après la Seconde Guerre mondiale, les coopératives ressortent matériellement appauvrie. Les effets de la mondialisation (développement de grands groupes commerciaux), l’individualisme croissant, sans compter l’affaiblissement de l’Action commune dû à la volonté d’indépendance des différentes branches du mouvement ouvrier vont finir par provoquer la disparition de nombreuses coopératives ouvrières dans les années 1970-80.
Aujourd’hui, soutenu par la mutualité socialiste Solidaris et la Fédération liégeoise du PS, Marc Goblet, président de la FGTB Liège-Huy-Waremme, a l’ambition, via l’ASBL les Travailleurs Réunis qu’il préside également, de relancer, en plus des Maisons du Peuple, les Magasins du Peuple. Ceci dans le but de faire face aux ravages causés par la crise économique et l’exclusion des plus faibles par la société de consommation et ainsi de rétablir un peu plus de justice et d’égalité. C’est aussi et toujours l’objectif de la Febecoop (Fédération belge de l’économie sociale et coopérative) et de diverses organisations coopératives régionales, européennes et internationales.
Guillaume Rimbaud – ALPHAS
Sources Principales :
- 1885/1985 : Du Parti Ouvrier Belge au parti Socialiste, éditions Labor, Bruxelles, 1985
- Institut Emile Vandervelde, Parti Socialiste Belge, 1885, 1960 : Les fastes du Parti, Bruxelles, 1960
- Linda Musin, Histoire des Fédérations : Liège, coll. Mémoire ouvrière, éd. PAC, Bruxelles, 1985 (Coll. ALPHAS)
- Office Coopératif Belge, La Coopération en Belgique, Imprimerie Coopérative Lucifer, Bruxelles, s.d. (Coll. ALPHAS)
- Union Coopérative de Liège, Union Coopérative de Liège : ses Origines, sa constitution, son organisation, son évolution, Liège, 1955 (Coll. ALPHAS)
- Union Coopérative de Liège, Union Coopérative de Liège, éd. Biblio, Liège, s.d. (Coll. ALPHAS)
- 1885/1985 : du Parti Ouvrier Belge au parti Socialiste, éditions Labor, Bruxelles, 1985
Ou encore :
- Febecoop, Coopération et démocratie économique, Actes du 38ème congrès du mouvement coopératif belge, éd. Les Propagateurs de la Coopération, Bruxelles, 1977 (Coll. ALPHAS)
- Paul Lambert, La doctrine coopérative, éd. Les Propagateurs de la Coopération, Bruxelles, éd. La Fédération Nationale des Coopératives de Consommation, Paris, 1959 (Coll. ALPHAS)
- Victor Serwy, Manuel pratique de la coopération : comment on fonde, on administre et on fait prospérer une Coopérative, 2ème éd., Société Coopérative Volksdrukkerij, Gand, 1914 (Coll. ALPHAS)
- E. H. Thomas, Gestion des coopératives, Les éditions d’organisation, Paris, 1958 (Coll. ALPHAS)