Jean Jaurès (1859-1914)

Jean Jaurès (1859-1914)

Homme politique français philosophe, historien et théoricien socialiste, Jean Jaurès fut l’une des grandes figures du courant socialiste français.

Né à Castres (Tarn) en 1859, issu de la moyenne bourgeoisie, il est un brillant élève, et échappe rapidement à la condition paysanne et provinciale, tout en restant attaché à sa région d’origine.

« Nous cheminions sur un plateau découvert, bordé à notre gauche par de petits coteaux arrondis qui s’enchaînent les uns aux autres par des prairies en forme de ravins… »
J. Jaurès. La Dépêche, 15 octobre 1890.

A 20 ans, il éprouve une grande admiration pour Léon Gambetta et Jules Ferry. En 1885, il entre à l’Assemblée Nationale et se détache progressivement des rangs républicains pour rejoindre ceux des socialistes.

« Je commettais une erreur grave. Je croyais que la majorité républicaine au milieu de laquelle je siégeais et avec laquelle j’avais été élu pouvait, par le même chemin de pensée, aller de la République au socialisme. Il me semblait que par une évolution intérieure et logique toute la République gouvernementale devait tendre vers l’idée d’égalité sociale, vers l’organisation fraternelle du travail et de la propriété. Cette illusion a duré, toujours décroissante, de 1885 à 1888. Mais chaque jour, la vanité des intrigues parlementaires, les scandales qui éclataient sous nos pas et nous révélaient le pouvoir caché et souverain de la finance, le mouvement de recul dont le ministère Rouvier fut la marque, tout m’apprenait qu’il s’était constitué dans la République une oligarchie bourgeoise. […] Et je vis bien qu’il s’agissait au fond d’une lutte entre la classe qui détenait tout et la classe dépouillée de tout ».
J. Jaurès, 11 septembre 1897.

A partir de 1893, Jean Jaurès épouse pleinement la carrière politique en devenant député de la ville minière de Carmaux, il conserve son siège jusqu’à sa mort (sauf entre 1898 et 1902).

Il adhère alors au parti ouvrier français et lutte pour l’unité du mouvement socialiste. Il s’oppose à de nombreuses reprises à Jules Guesde . C’est ainsi qu’il soutient la partition du parti socialiste.

« C’est parce que le socialisme proclame que la république politique doit aboutir à la république sociale, c’est parce qu’il veut que la république soit affirmée dans l’atelier comme elle est affirmée ici ; c’est parce qu’il veut que la nation soit souveraine dans l’ordre économique pour briser les privilèges du capitalisme oisif comme elle est souveraine dans l’ordre politique, c’est pour cela que le socialisme sort du mouvement républicain ».
J. Jaurès, Chambre des Députés, 21 novembre 1893.

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Alfred Dreyfus

 

En 1898, Jean Jaurès prend position pour la reconnaissance de l’innocence de Dreyfus. Il est également opposé à la peine de mort :

« Aucun homme n’a le droit de s’instituer ainsi le juge des autres hommes et de porter contre ses semblables une sentence de mort ».
J. Jaurès, La Dépêche, 20 février 1894.

En 1904, il fonde le journal L’Humanité. A ses côtés, comme membre fondateur, on trouve Léon Blum. L’année suivante, il est l’un des principaux artisans de la fusion des deux partis socialistes français qui donnent naissance à la S.F.I.O (Section Française de l’Internationale Ouvrière).

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Guerre à la Guerre, affiche de 1906

 

A partir de 1906, il s’efforce de faire progresser, par de là l’unité socialiste, l’unité ouvrière avec la C.G.T et est à l’origine du rapprochement entre les partis et les syndicats. Mais les contraintes imposées par le régime parlementaire et l’influence grandissante du capitalisme l’amènent à penser que seule une Internationale Ouvrière bien organisée serait capable de résister à la mainmise du capital sur l’économie mondiale et aux dangers que cette compétition fait courir la paix.

« La vérité est que dès maintenant, d’un bout à l’autre de l’Europe, de Petersburg et de Moscou à Londres, par Berlin, une force ouvrière internationale se constitue, s’organise, qui peut devenir une garantie efficace de paix européenne et de progrès social ».
J. Jaurès, Chambre des députés (8 Décembre 1905).

Homme de gauche et pacifiste convaincu, quelques années avant le déclenchement de la Première Guerre Mondiale, J. Jaurès écrit :

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».

A la guerre Jean Jaurès tente d’opposer l’union du prolétariat, ainsi, l’aube de la Première Guerre mondiale, il s’exprime en ces termes :

« Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main, et maintenant voilà l’incendie (…). Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces ».
J. Jaurès, Vaise, 25 Juillet 1914.

Jean Jaurès plaide aussi pour un rapprochement franco-allemand :

« Moi qui n’ai jamais hésité à assumer sur ma tête la haine de nos chauvins, par ma volonté obstinée et qui ne faillira jamais de rapprochement franco-allemand, j’ai le droit de dire qu’à l’heure actuelle le gouvernement français veut la paix et travaille au maintien de la paix ».
J. Jaurès, Bruxelles, 29 Juillet 1914.

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La Une de L’Humanité du 1er août.

Le 31 juillet 1914, Jaurès dîne au café Le Croissant avec des collaborateurs de l’Humanité, quand Raoul Vilain surgit et tire deux balles sur Jaurès. Le fondateur de l’Huma décède quelques minutes plus tard. Il n’y a plus d’obstacle à la boucherie de 14-18 : Jaurès en est la première victime…

Etrange coïncidence, la fin de son dernier article ressemble à un testament politique :

« Ce qui importe avant tout, c’est la continuité de l’action, c’est le perpétuel éveil de la pensée et de la conscience ouvrière. Là est la vraie sauvegarde. Là est la garantie de l’avenir. » L’Humanité, 31 Juillet 1914».

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Raoul Villain

 

Par la suite, la justice se montre très clémente envers Raoul Villain son assassin : il est jugé après la guerre et les jurés estiment qu’en assassinant l’adversaire de la guerre, il a rendu service à la patrie. Il est donc acquitté :

« Travailleurs, Jaurès a vécu pour vous, il est mort pour vous. Un verdict monstrueux proclame que son assassinat n’est pas un crime.
Ce verdict vous met hors-la-loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause.
Travailleurs, veillez ! »
Message d’Anatole France, après l’acquittement de Raoul Villain.

En novembre 1977, Jacques Brel sort son dernier album, Les Marquises, qui est un véritable événement. Aux cotés de chansons comme Orly, Les Marquises, La ville s’endormait et Jojo, figure Jaurès.

Dans cette chanson, le Grand Jacques se souvient de la vie de ses « grands-parents ». C’est sans fard qu’il dépeint le quotidien du commun des mortels à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle.

A travers cela, il rend hommage aux combats de Jaurès. Il aborde la faible considération qu’éprouvaient les « maîtres » à l’égard des « petites gens » qui n’était considérés qu’en tant que main d’œuvre ou chair à canon.

Ils étaient usés à quinze ans
Ils finissaient en débutant
Les douze mois s’appelaient décembre
Quelle vie ont eu nos grands-parents
Entre l’absinthe et les grand-messes
Ils étaient vieux avant que d’être
Quinze heures par jour le corps en laisse
Laissent au visage un teint de cendres
Oui notre Monsieur, oui notre bon Maître

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

On ne peut pas dire qu’ils furent esclaves
De là à dire qu’ils ont vécu
Lorsque l’on part aussi vaincu
C’est dur de sortir de l’enclave
Et pourtant l’espoir fleurissait
Dans les rêves qui montaient aux cieux
Des quelques ceux qui refusaient
De ramper jusqu’à la vieillesse
Oui notre bon Maître, oui notre Monsieur

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Si par malheur ils survivaient
C’était pour partir à la guerre
C’était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelque sabreur
Qui exigeait du bout des lèvres
Qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur
Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui notre bon Maître
Couverts de prèles oui notre Monsieur
Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l’ombre d’un souvenir
Le temps de souffle d’un soupir

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

J. Brel, Jaurès, 1977

 

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