Le PTB...

Le PTB...

Editeur responsable : Jean-Yves PIRENNE, Place sainte Véronique, 8 –4000 Liège

1. Contexte

La représentation politique du PTB est apparue dans les conseils communaux à partir des élections de 2000. Mais ce parti est bien plus âgé. Il a profondément modifié son discours au tournant des années 2010, afin d’être médiatiquement fréquentable, sans pour autant changer le fond de sa vision politique, ni même son fonctionnement interne opaque. Il se comporte aujourd’hui comme premier adversaire du PS, en siphonnant les voix du Parti à son profit. Il est ambigu sur la question de son éventuelle participation au pouvoir et axe ses lignes de force sur la contestation.

Lors des élections communales de 2018, le PTB présentera des listes dans 8 communes de l’arrondissement de Liège. Avec l’objectif de décrocher plusieurs sièges et de « secouer » les représentants politiques en place.

2. Histoire du PTB

2.1 Evolution du Parti

Le Parti du Travail de Belgique-Partij van de Arbeid van België  ( PTB-PVDA)  est issu des mouvements contestataires étudiants de la fin des années 60.  Ces mouvements, nés d’abord à Leuven, se sont étendus ensuite à toute la Belgique.

Ses premiers adhérents ont rompu avec l’idéologie nationaliste flamingante des mouvements étudiants et se sont tournés vers le communisme marxiste-léniniste de type maoïste ou stalinien. Ils considèrent le Parti communiste de Belgique comme « révisionniste », c’est-à-dire trop favorable à une politique sociale-démocrate incarnée à leurs yeux par le Parti Socialise. Ils se sont initialement inspirés du Parti communiste chinois, des mouvements de guérilla en Amérique latine et des protestations contre la guerre du Vietnam. []

Le soutien et la participation à une importante grève dans les mines de charbon dans les années 70 permirent à ce premier groupe de militants de jeter les bases d’une organisation politique qui prend le nom de PTB-PVDA. Fut lancée à ce moment la publication, AMADA (Alle Macht Aan De Arbeiders : « Tout le pouvoir aux ouvriers »). En 1974, des sections furent fondées à Liège et Charleroi. 

Lors du Premier Congrès officiel, un programme marxiste-léniniste est adopté. Ludo Martens devient le Président du PTB-PVDA. L’orientation principale du parti est son opposition à l’impérialisme américain et au « social-impérialisme » soviétique. Il considérait une troisième guerre mondiale comme inévitable et imminente et dénonçait de façon virulente l’Union soviétique et ses alliés comme Cuba et le Vietnam. Dans les années 1970, le futur PTB  appelait à renforcer l’OTAN et à former un front antisoviétique. Il fut particulièrement actif dans les campagnes de solidarité avec les moudjahidin d’Afghanistan.

Ludo Martens est notamment l’auteur de  » Un autre regard sur Staline » (éditions EPO, 1994), ouvrage dans lequel il réhabilite la figure du dirigeant soviétique et défend l’industrialisation socialiste, la collectivisation forcée ainsi que la nécessité des purges au sein du parti.  Ludo Martens serait également le dernier étranger à avoir rencontré KIM Il-sung (Corée du Nord[1]) avant sa mort en 1994.

À la suite de son relatif échec électoral de 2003, le PTB a modifié en profondeur ses méthodes de travail et de communication.

Avec une volonté de se recentrer sur le travail auprès des ouvriers en usine ainsi que sur le travail de terrain dans les communes où il est présent, le PTB a déclaré rompre officiellement avec son sectarisme afin de se rapprocher des demandes concrètes des citoyens. Cela se traduit notamment par la mise en avant de revendications extrêmement concrètes relatives à la baisse du prix des médicaments, la réduction de la TVA sur les produits énergétiques de 21 % à 6 %, une augmentation du montant minimal des pensions, un meilleur contrôle des loyers ou encore la baisse du coût des sacs-poubelle.

Les outils de communication, tels que le journal Solidaire et le site du parti sont  refondus pour pouvoir toucher un plus large public. Les structures ont été ouvertes à une couche plus large de militants. Le parti réaffirme des principes marxistes fermes mais une approche souple vers l’électeur avec le slogan « Faire de la politique avec les gens et pas pour les gens ! ». Depuis la rectification de la ligne du Parti lors du congrès de 2008, les positions du PTB se traduisent par une souplesse idéologique considérable par rapport à ses positions passées, positions que le parti qualifie désormais lui-même de sectaires.

La ligne de communication du Parti reste toutefois construite sur deux lignes de force : la contestation et le ciblage des publics. Leurs différents slogans de campagne, orientés contre le monde politique ou clairement contre le Parti socialiste – « Stop au cirque politique », 2009 ; « Votez contre ce cirque politique », 2012 ; « Super Social », 2014 ; « Secouons-les ! » 2018 – ne sont pas axés sur une volonté de proposition constructive mais bien dans une dynamique populiste de contestation. Les différents programmes communaux présentés et la dialectique de leurs candidats sont d’ailleurs souvent connotés « contre[2] » des projets menés par les responsables communaux que « pour » porter un projet. Le PTB utilise également différents outils pour cibler « son public ». Il s’est doté du logiciel NationBuilder[3] qui permet de cibler un type de population bien précis pour lui délivrer un message sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, le PTB a mené différentes « enquêtes » auprès de la population – avec de nombreuses questions très orientées politiquement – afin d’attirer de nouveaux membres et de recueillir le sentiment de la population. Il s’en sert désormais pour établir son programme[4].

Le PTB revendique désormais son appartenance à la gauche réformiste de matrice marxiste. Il refuse en principe toute forme d’alliance avec les autres formations de la gauche plus ou moins radicale ; pourtant, en 2012, il fait alliance avec le Parti Communiste aux élections communales et provinciales, et en 2014, il s’associe avec la Ligue Communiste Révolutionnaire et le PCB.

A l’occasion des élections communales à Anvers, le PVDA entre dans une coalition avec le Spa et Groen !

En 2016, le PTB revendique plus de 10 000 adhérents et un nombre important de sections et groupe de base, y compris dans le monde du travail.

2.2 Résultats électoraux

De 1979 à 2014, le PTB-PVDA n’a aucun représentant au Parlement fédéral ou Régional.

Pour les élections régionales, fédérales et européennes du 25 mai 2014,le PTB se présente avec la liste PTB-GO qui rassemble les trois partis PTB, LCR et PC et qui reçoit lesoutien de plusieurs dirigeants syndicaux . Pour les élections bruxelloises, lePTB a signé un accord d’apparentement pour le collège francophone avec le B.U.B., Pro Bruxselet le Parti pirate.

Le PTB obtient 2 des 150 sièges au Parlement fédéral, 4 des 89 sièges au Parlement bruxellois, aucun siège au Parlement flamand et 2 des 75 sièges au Parlement wallon.

C’est en 2000 que le PTB obtient ses premiers sièges aux élections communales : dont deux à  Zelzate en Flandre-Orientale et deux à Herstal.

Aux élections communales de 2006, le PTB obtient un total de 15 sièges qui se répartissent ainsi : six à Zelzate, deux à Herstal, deux à Hoboken (district d’Anvers) et un à Deurne (district d’Anvers), Seraing, La Louvière, Genk et Lommel.

Aux élections communales de 2012, le PTB-GO enregistre une avancée significative en Wallonie et en Flandre. Il passe de 15 à 47 élus communaux, dont 17 dans les districts d’Anvers, et gagne 4 conseillers provinciaux, 2 à Liège et 2 à Anvers. Il devient aussi le deuxième parti à Zelzate avec 6 sièges et obtient 4 sièges à Herstal et à Seraing. Il fait aussi son entrée dans le conseil communal de Liège-ville avec 2 élus, dans celui d’Anvers-ville avec 4 élus et dans deux communes de la région de Bruxelles-Capitale, avec 1 élu à Molenbeek-Saint-Jean et à Schaerbeek.

2.3 La démocratie interne du PTB

2.3.1 La fiche d’engagement du« militant »

Le PTB se définit comme un parti en croissance. Le nombre de ses militants est en forte augmentation sur les dernières années. Il a récemment franchi la barre des 10.000. Mais au PTB, il y a plusieurs sortes de militants ; d’une part, les affiliés, en règle de cotisation (5 euros/mois), d’autre part les « militants », dont l’engagement personnel et financier est plus important ; c’est le prix à payer pour pénétrer dans l’antichambre du pouvoir au PTB.

Les  « militants » ne sont que 3 à 400. Ils doivent chacun rentrer une fiche d’engagement mentionnant leur situation familiale, leurs différents revenus… Ils doivent « s’engager à participer aux réunions de leurs groupes et prendre en charge les tâches convenues ». Il s’agit donc des élus du PTB mais également des personnes qui « achètent » leur influence au sein du PTB pour pouvoir participer aux réunions. Et comme le PTB a fixé des montants plafonds pour les rémunérations de ses membres, le « militant » qui en renseigne davantage est « invité » à rendre le surplus au Parti… Les décideurs sont donc des contributeurs ; ils paient pour pouvoir décider !! Cela ressemble tellement à un système capitaliste pour un Parti qui en dénonce les dérives…

Enfin, le cercle restreint de décideurs est resté un cercle très fermé depuis de nombreuses années. Ce sont eux qui ont décidé de la transformation de la communication du PTB ; la famille de Raoul Hedebouw, la famille Pestieau (Bruxelles) et d’autres personnalités sont les membres centraux de l’organisation du Parti. Rien ne se décide sans eux.

2.3.2 Le salaire

Le PTB aime mettre la question de la rémunération des mandataires politiques à l’ordre du jour. Surfant sur les dérives des comités de secteur de Publifin, ses militants se réjouissent de rappeler que leur action politique vise à « servir et non se servir ». Au PTB, chacun s’accorde pour mentionner qu’il vit avec un salaire d’ouvrier moyen. Ainsi, Raoul Hedebouw énonce que les élus et cadres touchent quant à eux un salaire moyen de travailleurs, « entre 1.500 et 1.700 euros nets par mois, tout le reste est reversé au parti »[5].

Pour rappel, l’indemnité parlementaire est perçue personnellement par le parlementaire. En cas d’absences trop nombreuses lors des réunions de commissions et de plénière, le parlementaire perd une partie de cette indemnité. Il y a donc un « salaire pour un travail effectué », considérant que si tout travail mérite salaire, la dégressivité en cas d’absence constitue un incitant à la présence. Le montant de l’indemnité est communément admis comme étant suffisamment élevé que pour empêcher de la part du parlementaire tout intérêt pour la corruption. Enfin, ce montant est une indemnité dès lors que bon nombre de parlementaires doivent démissionner ou se mettre en congé des fonctions professionnelles qu’ils exerçaient avant leur élection.

Par ses règles internes, le PTB encaisse en sa qualité de parti politique plus de la moitié de l’indemnité sensée assurer l’indépendance du parlementaire. Cela signifie donc qu’il n’est pas impacté par la dégressivité en cas d’absence puisque c’est la partie variable ponctionnée par le Parti qui sera moins importante.

Le montant exact du « salaire moyen » n’a pas l’air d’être une communication si bien rôdée. Si Raoul Hedebouw estime le montant entre 1500 et 1700 maximum, le site du parti renseigne un montant entre 1700 et 2000[6]. Une marge d’erreur de 25 %…

Le sommet est atteint en analysant le discours des élus PTB, notamment leurs propres parlementaires. En effet, Frédéric Gillot mentionne publiquement qu’il vit avec plus de 1700 euros/mois et que ce montant est celui de sa prépension en tant qu’ouvrier d’Arcelor. Il reverse donc l’ensemble de son indemnité au Parti. Mieux, les déclarations de Ruddy Warnier sur le site du PTB qui mentionne un « défraiement forfaitaire mensuel de 2 000 euros pour frais professionnels ». Ainsi, si les membres du PTB vivent avec un salaire moyen et les indemnités, on comprend que la réalité n’est pas tout à fait celle qu’ils décrivent. Enfin, selon différentes sources, Youssef Handichi, député bruxellois, a conservé son salaire de chauffeur à la STIB, qui se trouve être bien plus élevé que les montants moyens mentionnés par le PTB…

2.3.3 La transparence

Si le PTB souhaite activement militer pour la transparence des revenus des mandataires[7], s’il s’égosille pour mentionner qu’il est tenu à l’écart de différentes commissions parlementaires[8]. S’il mentionne qu’il souhaite la plus grande transparence dans la gestion des entreprises publiques, force est de constater que le PTB n’est pas aussi exigeant envers lui-même. La plateforme NousCitoyens.be a établi un classement sur base de critères objectifs tels que les règles déontologiques, la transparence des mandataires et membres du parti, l’activité politique ou la facilité d’accès aux informations pour le citoyen. Si le PS fait un score de 71%, ce qui le classe dans la catégorie « transparent », le PTB n’obtient que 55%, à la limite des partis classés « opaque ». Il est souligné notamment que le PTB refuse de publier ses statuts sur son site internet[9].

2.3.4 Le petit livre rouge

Il est intéressant de lire les statuts du PTB, qui font notamment référence au « Parti de la Révolution », livre écrit par Ludo Martens et qui fixe la ligne de conduite idéologique du Parti.

Extraits :

  • Page 26 :Il faut étudier les théories de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao comme une science intégrale couvrant plusieurs vastes domaines : la philosophie,l’économie, la lutte politique et militaire, la culture. (…) Il faut critiquer les théories et politiques bourgeoise ainsi que les théories et politiques réformistes et opportunistes.
  • Page 30 :Pour une direction bolchevique. L’existence d’un noyau stable de cadres révolutionnaires bien formés est d’une importance décisive pour le développement du parti et pour la victoire de la révolution.
  • Page 44 :Etudier le marxisme-léninisme, combattre le révisionnisme. Les cadres du parti doivent étudier la théorie marxiste-léniniste comme une science. (…) Pour un parti communiste, il est d’une importance vitale d’étudier les œuvres de Marx,d’Engels, de Lénine, de Staline et de Mao Zedong ainsi que l’expérience du mouvement communiste international. (…) Les cadres doivent s’efforcer de connaître, dans un délai de quelques années, toutes les œuvres de base.Celles-ci leur permettront de s’orienter dans la plupart des problèmes qu’ils rencontrent.
  • Page 64 :Réforme et révolution. Sous la dictature de la bourgeoise, en dehors des périodes révolutionnaires, les luttes ont pour but d’arracher des concessions et de défendre des acquis. Dans l’optique communiste, la lutte pour ces réformes doit préparer la révolution future, elle doit développer la conscience révolutionnaire. Un parti communiste mesure les résultats d’une lutte partielle à ces deux questions décisives : a-t-elle fait progresser l’organisation révolutionnaire et a-t-elle fait progresser la conscience révolutionnaire ?
  • Page 71 :La lutte de classes révolutionnaire, l’insurrection, la guerre civile prolongée sont trois chaînons dans un même combat pour la libération.
  • Page 123: La priorité pour les années à venir est de faire assimiler et appliquer les principes d’organisation et de management définis dans ce livre.
  • Page 267: Militer chaque fois que l’on se rend à une réunion, à une activité : il arrive trop souvent que des cadres se rendent à des activités sans vendre de matériel et sans faire un travail de recrutement.

3. Les relations entre le PS et le PTB

Le PS est un parti ancré dans une longue tradition de lutte. Il s’est progressivement structuré dans le combat pour la défense des travailleurs. Il a obtenu bon nombre de victoires sociales, économiques, environnementales, éthiques. Ces victoires ont été  forgées dans le mouvement populaire et dans une stratégie de réforme inscrite dans une logique démocratique.  

Saisissant le rapport de force, le PS a pris plus d’une fois ses responsabilités pour modifier les structures de la société, que ce soit à la marge ou fondamentalement. Cette stratégie de combat a conduit la Belgique à être un pays à la pointe en termes de protections sociales, d’avancées éthiques, de recherche et de technologie. Cette stratégie implique, dans un modèle politique belge construit sur la démocratie parlementaire proportionnelle, que le PS s’astreigne à l’exercice du pouvoir.

Le programme politique du PS – récemment redéfini par le Chantier des idées –vaut bien celui des autres forces de gauche. Des points de convergence existent, en matière d’environnement, de priorité aux politiques sociales, de défense de la santé ou de fiscalité. Ce qui diffère, c’est la stratégie de mise en œuvre réforme et progrès après progrès contre radicalité exprimée dans un renversement total et stérile, exposition à l’exercice du pouvoir contre pureté de l’opposition sur base de  »y a qu’à… »

Depuis que le PS a quitté le pouvoir fédéral, les citoyens ont pu mesurer combien la droite souhaite un autre modèle de société, plus individualiste, moins solidaire, plus méritocratique et financier, mois humain et sensible aux difficultés de chacun. La Belgique a connu :

  • un saut d’index,
  • un recul de l’âge légal de la pension à 67 ans,
  • des économies de 6 milliards dans la sécurité sociale et les soins de santé,
  • une réduction de 3 milliards de la dotation à la SNCB,
  • une augmentation de la TVA sur l’électricité et des accises sur le diesel
  • une politique inhumaine d’accueil des demandeurs d’asile…

A l’inverse, lorsqu’il était présent au niveau régional, le PS a mené le combat nécessaire contre le TTIP et le CETA, a soutenu les communes dans des projets porteurs d’emploi, a poursuivi le Plan Marshal pour l’adapter aux révolutions technologiques, a mené différentes politiques relatives aux droits des femmes et à la démocratisation de l’enseignement supérieur. Tandis que le nouveau Gouvernement wallon MR-Cdh s’attelle à détricoter le Plan Marshall, aggraver la situation des travailleurs dans le secteur du non-marchand ou les demandeurs d’emploi et mène une politique ignorant les réalités des grands centres urbains.

Le PTB est conscient de ces réalités, de ces acquis socialistes et de ces attaques de la droite. Il procède en identifiant les failles des actions du PS et de ses mandataires pour démontrer qu’il incarne une nouvelle éthique, une nouvelle dynamique, une gauche authentique.

Il a abondamment dénoncé les dérives de l’Affaire Publifin, sans dissocier le modèle économique de l’initiative industrielle publique des actions de certains mandataires. En hurlant avec d’autres contre le système Publifin, le PTB est complice de la privatisation partielle d’une intercommunale qui était publique et distribuait de nombreux dividendes aux communes. Il poursuit sa campagne en dénonçant l’appât du gain de certains mandataires, estimant que les militants PTB font quant à eux de la politique « pour servir et pas se servir ».

Le PTB, par ses dénonciations, fait grandir le fossé entre le monde politique et le citoyen. En ne surfant que sur le registre du scandale et du populisme, il agite (il estime qu’il conscientise) la population et insinue l’esprit de classe : il y aurait la classe politique qui s’enrichit et la classe des travailleurs qui subit et n’a d’autres choix que de se révolter. En agissant de la sorte, le PTB insulte les travailleurs, les allocataires, les militants socialistes qui mènent au quotidien des actions pour plus d’égalité, de justice sociale, de vivre ensemble et de dignité humaine. En instituant cette propagande de classe, le PTB nourrit la même dynamique que celle du MR (qui travaille au bénéfice de la classe des nantis et contre la classe des travailleurs et allocataires).

 

La relation du PTB avec le syndicat socialiste (FGTB) est également à questionner. Depuis de nombreuses années, le PTB y pratique l’entrisme et la dénonciation des actions politiques du PS. Les dernières élections sociales ont vu bon nombre de délégués étiquetés PTB être désignés. La direction du PTB entretient des contacts étroits et récurrents avec le syndicat pour échanger des informations ou mener des actions. Les délégués et mandataires politiques du PTB sont fortement présents dans les actions syndicales. Cependant, cet activisme interne crispe au sein de certains syndicats : à la CGSP-Cheminots, on a vu l’éclosion d’un nouveau syndicat, dont les leaders sont issus de la CGSP mais qui sont en rupture avec leur ancien syndicat à cause « de conflits d’intérêts dans le chef de certains dirigeants »et du fait que la CGSP « se laisse envahir par des affiliés du PTB. »[10] 

Il faut respecter l’électeur PTB et comprendre sa colère

 

La stratégie du PTB à l’encontre du PS fonctionne. Bon nombre de citoyens sont réceptifs au message de contestation lancés par le PTB. Au-delà du bilan que chaque mandataire PS doit défendre, il faut pouvoir connaître la dynamique du PTB et y répondre. En plus de l’histoire de ce parti, la présente note dresse quelques incohérences dans le discours du PTB. Mais quelles peuvent être les motivations pour ne pas voter PS ?

1° Pour « punir » des fautes morales de différents mandataires

  • Rappelons que le PS, ce sont plus de 5000 mandataires locaux, dont l’immense majorité a exercé quotidiennement de manière irréprochable son mandat. Par ailleurs, notre Fédération est la seule à avoir pris des mesures drastiques en écartant les mandataires concernés par l’affaire Publifin et à avoir proposé le renouvellement des instances. Les autres partis concernés n’ont pas été aussi loin que nous.

2° Pour mener des politiques plus à gauche

  • L’envol politique du PTB ne renforce pas la Gauche. S’il est vrai que le PTB prend de l’espace médiatique, la réalité électorale montre qu’il ne renforce nullement la Gauche dans le rapport de force politique. Des politiques de gauche ont été menées par les socialistes à chaque fois que le rapport de force le permettait. Avec le retour de députés communistes à la Chambre, nous avons assisté à l’éviction des socialistes du Gouvernement. Et la mise en œuvre de politique de droite qui affaiblit les plus démunis. Retirer son vote au PS, c’est affaiblir la gauche. C’est soutenir le MR et le Cdh.
  • Le travail de réflexion du Chantier des idées et le Manifeste de Liège sont les éléments démontrant que la gauche vit au sein de notre Parti. Des réunions militantes et citoyennes et différents processus de réflexion ont amenés le Parti socialiste à redéfinir sa doctrine et réaffirmer les principes de luttes des classes et condamnation du capitalisme.

5. « Le PTB renforce la Gauche »

Depuis la métamorphose de sa communication, le PTB se drape dans différents slogans qui ont pour but de démontrer « son authenticité » et ses revendications. S’il ne manque pas de critiquer les mesures de droite, il aime également assimiler les actions du PS à la compromission et à l’abandon de la lutte pour les droits des travailleurs. Et il répète des conditions inacceptables pour éviter de rentrer dans une majorité.

L’un de ses slogans préférés est celui qui dit que « Le PTB renforce la Gauche ». Il estime également qu’il « réveille la vie politique », notamment en menant des actions dans les rues relayées au sein des conseils communaux.

Une analyse des chiffres électoraux des différents partis s’impose pour savoir si ce slogan est vrai.

5.1 Communales et provinciales 2012

En 2012, le PTB présente des listes aux élections provinciales sous le nom de PTB + (elles regroupent les militants du PTB et du PC). Cette alliance recueille 27.970 voix, tandis que séparément en 2006 les 2 partis d’extrême gauche avaient obtenu 10.373 voix. Soit une progression de 17.597 voix ! De son côté, le PS recueillait 191.316 voix en  2012 contre 207.986 en 2006. Soit une perte de 16.670 voix ! La différence entre les gains du PTB+ et les pertes du PS s’élèvent à 927 voix sur un total d’électeur de 760.371. Soit 0.12% des bulletins ! Peut-on sincèrement parler de renforcement ?

Aux élections communales, le PTB fait une campagne de dénigrement « du cirque politique » (campagne nez rouges) et estime qu’un conseiller PTB sera toujours plus utile qu’un conseiller PS ou Ecolo ! A Liège, l’attaque vise le bourgmestre : « Désolé Willy, cette fois je vote à gauche ! » Cela a-t-il pour autant renforcé la gauche ?  

On observe qu’à la Ville de Liège le PS perd 3316 voix et que l’alliance du PTB et du PC gagne 3407 voix, soit un gain de 0.06% sur l’ensemble des électeurs. A Seraing, le PTB+ engrange 4667 voix en 2012, soit un gain de 1723 voix, tandis que le PS en perd 3041. La gauche a donc perdu 1318 voix, soit un déclin de 3.08% A force de taper sur le PS, le PTB fait-il vraiment gagner les forces de gauche ? La réalité mathématique démontre que non.

5.2 Régionales et fédérales 2014

Un mouvement similaire s’observe lors des élections régionales et fédérales de 2014. Raoul Hedebouw et le Président du PTB, Peter Mertens, avaient donné de multiples interviews pour démontrer que le PTB renforçait la Gauche en apportant un « vent frais », qu’ils renforçaient l’aile gauche du PS en offrant un partenaire dans l’écoute aux organisations syndicales, qu’ils mettaient de nombreux débats de gauche à l’agenda politique.

Ils se sont trompés ici aussi. Aux élections législatives de 2014, le PTB est en cartel avec la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) et le Parti Communiste, c’est le temps du PTB GO !. Le PS perd 28.930 voix par rapport à 2010. La coalition PTB GO emmenée par Raoul Hedebouw obtient 50.603 voix, soit 25.064 voix en plus que le PTB+ et le Front de Gauche (qui réunissait LCR et PC) en 2010. La Gauche a donc perdu 3866 voix… Le même mouvement s’exprime au niveau local, puisque la perte du PS dans le canton de Liège est de 5662 voix alors que le PTB GO en gagne 5422. De nouveau un recul. Dans le canton de Seraing, le PS perd 3762 voix mais le PTB GO n’en gagne que 2963. Dans le canton d’Herstal, le PS perd 2383 voix alors que le PTB GO n’en gagne que 1927.

Dans les urnes, le PTB ne renforce donc pas la Gauche, il affaiblit le PS à son seul profit.

CantonPSPTBDifférence
Bassenge-1510+1143-367
Fleron-2313+2016-297
Grace-Hollogne-3222+2096-1126
Herstal-2383+1927-456
Liège-5662+5422-240
Saint Nicolas-2726+1699-1027
Seraing-3762+2963-799
Visé-394+478+84
Arr. de Lg-21972+17744-4228
Province de Lg-28930+25064-3866

Sur l’arrondissement de Liège, la Gauche a perdu 4228 voix ; sur la Province de Liège, la Gauche a perdu 3866. Les arrondissements de Huy Waremme et de Verviers ont permis de contrebalancer quelque peu le mouvement.

Dans la répartition des 15 sièges à la Chambre, on constate que le PS perd effectivement 2 sièges, le PTB n’en gagnant qu’un. Pour l’application de la clé D’hondt qui attribue les sièges, on constate que le 15e siège est attribué au MR pour une différence de voix de 313[11] !

En 2018, la campagne communale semble suivre le même élan. Les slogans de campagne sont orientés au détriment du PS et utilisent un langage volontairement musclé. Le slogan « Secouons-les ! » ou « Reconquérir la ville » se veulent tourner contre les majorités en place. Il est frappant de constater qu’à nouveau, le PTB oriente sa politique contre le PS, puisqu’il ne présentera des listes que dans une dizaine de communes, où les bourgmestres sont majoritairement socialistes[12]. Est-ce de cette manière qu’ils organisent la lutte contre la droite ? Non, et Raoul et ses sbires le savent très bien. D’ailleurs, ils ne s’en cachent plus. Sur Facebook le 24 août, Raoul Hedebouw est à un débat à Marseille avec la France Insoumise de Jean Luc Mélenchon. Il estime que « il est important que toutes les organisation en Europe qui veulent une rupture sur la gauche puissent se parler (…). Il faut répondre à a crise de la social-démocratie par une force politique qui permet de sortir du cadre des partis traditionnels. » Ne nous y trompons pas ; malgré un discours qui se veut défenseur des idéaux de gauche, la cible du PTB est bien le PS. Ils ne veulent pas lutter contre la droite, ils ont pour ambition d’affaiblir le PS pour prendre le leadership de la Gauche. Un peu comme en Grèce…

6. L’exemple grec

Le pays fut géré par la droite qui, dans la perspective notamment des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004[13], n’a pas respecté les objectifs budgétaires fixés par les critères de convergence fixés par les accords de Maastricht : maîtrise du taux d’endettement et du déficit budgétaire. La gauche (PASOK) a remporté les élections législatives mais a dû faire face aux créanciers européens. Elle dut prendre des mesures largement impopulaires pour rester dans les clous fixés par les autorités européennes. En 2010 puis 2011, la Grèce bénéficie, comme d’autres pays européens[14], de plans d’aide ; il s’agit de prêts conditionnés à différentes politiques à mener en vue de revenir dans les critères de gestion budgétaire. Mais en janvier 2015 et après de nombreuses mesures impopulaires, c’est le Parti Syriza, parti d’extrème gauche, qui remporte les élections. Alexis Tsipras est désigné premier Ministre, présente son gouvernement comme « coalition anti-austérité »  et entame un bras de fer avec l’Europe. La sortie de l’Europe est envisagée. Un référendum est organisé pour savoir si la population accepte le plan proposé par les autorités européennes. Le « non » l’emporte. Pourtant, quelques jours plus tard, Alexis Tspiras signera un nouveau plan d’austérité.

L’attitude du PTB doit être observée. Syriza n’est pas le parti frère du PTB. Il s’agit du KKE, qui fit un modeste score de 5,47%. Il est également à noter que le Pasok, parti frère du PS est très lourdement sanctionné puisqu’il pèse 4,68%. Ce qui est intéressant c’est que le PTB s’est largement montré en soutien de Syriza durant la campagne, Raoul Hedebouw n’hésitant pas à se rendre devant le Parlement grec en soutien dans la lutte contre les institutions européennes. Cependant, le virage de Tsipras et sa renonciation embêtent fortement le PTB. Peter Mertens analyse pudiquement : « alors qu’une majorité de Grecs ont dit « non » aux mesures d’austérité européennes, le Gouvernement Syriza n’a plus osé mobiliser la population. Et aujourd’hui la Grèce est empêtrée dans un nouveau memorandum, qui est précisément l’inverse de ce qu’elle voulait. »

Le PTB analyse la situation grecque sans plus y faire de relation avec ses propres manifestations, mais bien en indiquant qu’il faut davantage construire le rapport de force avec la population et ne pas monter dans un Gouvernement qui n’est pas prêt à la radicalité. Ainsi, le PTB assume entre les lignes son vrai visage révolutionnaire qui n’entend prendre aucune responsabilité dans l’attente qu’advienne le Grand soir.

L’échec de Syriza est un échec pour le PTB. Soutenant les manifestations, il doit constater que malgré les mobilisations de masse, malgré le rapport de force parlementaire extrêmement favorable (36,34 %), l’extrême-gauche n’a pas été capable de conclure ce qu’elle avait promis. Et malgré un référendum qui lui assure le soutien populaire, elle renie la parole donnée. Pour l’électeur séduit par le PTB, quelle garantie que ce parti n’agira pas de la sorte ?

7. Le laboratoire portugais

Aux législatives d’octobre 2015, la droite sortait du Gouvernement après un mandat de 4 ans où elle avait appliqué des mesures d’austérité et paraissait pourvoir briguer un nouveau mandat. Le libéral Pedro Passos Coelho est proche d’une majorité absolue mais a face à lui 3 partis de gauche : le Parti Socialiste (32.31%), le Parti communiste (8.25%) et le Bloc de gauche (10.19%). Ces trois partis ont négocié une coalition qui transgresse leurs divisions – notamment sur la vision de l’Europe, le PS étant pro européens, les 2 autres se montrant très eurosceptiques. La politique d’austérité de Coelho a taillé dans les salaires, les retraites, les allocations de chômage. Les jeunes ont émigré et la pauvreté – le seuil est fixé à 319 euros – touche un tiers des 11 millions de portugais.

Le Parti communiste a eu peur de se salir les mains. Il a néanmoins pris la responsabilité du soutien au Gouvernement. En effet, les communistes et le Bloc n’ont pas de ministre au Gouvernement ; ils l’appuient sans l’intégrer, se permettent de le critiquer et estiment que c’est davantage « un compromis qu’une compromission »[15]. La coalition de gauche a aujourd’hui remis le pays sur les rails de la croissance, notamment grâce au tourisme. Croissance de 1.2%, chômage descendu à 8.8%[16], augmentation des allocations familiales, des retraites et du salaire minimum[17], nationalisation de la Banque Caixa Geral de Depositos et prise de participation majoritaire dans la compagnie aérienne nationale, renforcement des droits du travail et programme de lutte contre la précarité sont autant de mesures prises par le gouvernement socialiste. Le Ministre de l’économie portugais pointe également le renouveau des industries présentes sur le territoire, notamment l’automobile, les chaussures et le textile, qui avaient délocalisés en Europe de l’Est et reviennent au Portugal. De plus, différents projets immobiliers attirent les touristes.

Mais alors que différents analystes mentionnent les réussites du modèle portugais[18], qui a pris le contre-pied des mesures promues par les instances européennes (Réduction des charges publiques, diminution des impôts en vue d’attirer les investisseurs, privatisation des secteurs stratégiques), le PTB n’est pas prêt à en faire son propre modèle d’alliance progressiste qui permettrait d’engranger des victoires sociales. Peter Mertens mentionne clairement et d’emblée que « le Parti communiste ne participe pas au Gouvernement (…) et ne soutient que quelques mesures précises : celles qui vont à l’encontre de l’austérité. » Le PTB préfère enfourcher son cheval de bataille préféré et rappeler qu’ « on est encore loin d’une véritable rupture avec la politique d’austérité européenne ». Critiquant le fait que, selon lui, le Gouvernement Costa « n’ose pas s’en prendre aux super-riches », il conclut que « ce n’est pas notre modèle (…) nous voulons une toute autre politique ».

Malgré les réussites du gouvernement portugais, Peter Mertens n’est pas donc prêt à reconnaître les avancées d’un gouvernement pourtant soutenu par son parti frère. Mais avec qui donc veulent-ils travailler ? Avec personne. Ce que le PTB cherche, ce sont les occasions de « conscientiser les esprits révolutionnaires » et de poursuivre l’agitation sociale sans jamais prendre de responsabilités. Pour ce faire, sa cible est désignée, le Parti socialiste…

8. L’activité des conseillers communaux et Parlementaires PTB

A Herstal, le PTB mène une politique d’infiltration du monde ouvrier et syndical ; de plus, la création d’une maison médicale leur permet de disposer d’un point d’entrée pour de nombreux citoyens précarisés. L’action des conseillers communaux se focalisent sur des thématiques ponctuelles, dont le point commun est la protestation, la réclamation, la revendication et la contestation. Ne se basant sur aucune logique idéologique, le PTB défend tout type de contestataires, même si cette contestation peut se révéler contraire à leur philosophie. Ainsi, ils défendent de grands propriétaires terriens qui s’opposent à l’extension du zoning des Hauts Sarts (et donc aussi à l’augmentation de l’emploi) ou ils manifestent pour le maintien d’un magasin Aldi (multinationale éludant l’impôt, plutôt que de proposer d’autres alternatives comme un magasin coopératif ou la promotion de circuits courts)[19].

Les thématiques de prédilection portent sur l’environnement, la présence et l’accessibilité des services publics, l’aménagement du territoire, ma mobilité et les travaux. Mais les représentants du PTB aiment aussi utiliser le conseil communal comme caisse de résonance de problématiques dont la compétence relève d’autres niveaux de pouvoir (surloyer des sociétés de logements sociaux, financement du fonds des communes, TTIP, allocations d’insertion…). Il faut noter que les mandataires du PTB sont nettement moins à l’aise sur les questions d’immigration, conscients que cette thématique est délicate pour leur électorat[20].

Leur stratégie est d’obtenir de « petites victoires » en vue de démontrer l’utilité de leurs combats. Ils récupèrent la colère des citoyens et la transforment en confrontation politique. Rarement, le PTB devient une force de proposition, même s’ils le font dans le cadre de la réglementation de la fermeture des cafés de nuit.

A Liège, le PTB utilise les mêmes méthodes de propagande. Identifier un sujet polémique, déposer une pétition, inviter les citoyens à l’hôtel de Ville et faire le show, diffuser l’ensemble sur les réseaux sociaux. Les thématiques d’expression sont également souvent des matières qui ne relèvent pas des compétences communales. Ils se montrent également incohérents en regard du message politique qu’ils portent dans la population, notamment en refusant de voter les marchés publicitaires qui permettent des rentrées financières pour la Ville, en prenant des positions dures au niveau environnementale qui, si elles étaient appliquées, menaceraient l’emploi industriel, en s’opposant aux taxes sur les parkings privés au prétexte qu’elles seraient répercutées sur le petit consommateur. Ils interviennent enfin sur différents sujets d’actualité polémiques tels que Publifin, le plan de gestion de la Ville ou le budget du CPAS qu’ils jugent insuffisant.

Dans les Parlements, les députés PTB privilégient les thématiques politiques sur lesquelles ils estiment pouvoir mobiliser la population. Ainsi, Frédéric Gillot a fait feu de tout bois lors de la Commission Publifin pour dénoncer les « magouilles et arrangements sur le dos du peuple ». Sans nullement proposer un autre modèle de gouvernance ou reconnaître les avantages de l’initiative industrielle publique. Son collège Ruddy Warnier est tout simplement absent ! Depuis 2014, il a déposé une seule proposition de décret, aucune question d’actualité, aucune interpellation, 4 interventions en plénière… Très maigre bilan pour ce jeune député[21] d’un parti qui veut « tout autre chose ».

Au Fédéral, Raoul Hedebouw intervient sur les sujets polémiques du moment, en lien avec la fiscalité, l’emploi, le chômage, l’immigration ou l’éthique. Il utilise le Parlement comme une caisse de résonance en filmant ses interventions pour les diffuser sur les réseaux sociaux. Le PTB démontre tout le dégoût qu’il a du Parlement (« institution bourgeoise ») – et de la démocratie en général – pour s’adonner à la musculation politique au travers de son rapport « rue-parlement-rue ». Il estime que l’action politique doit davantage être basée sur le rapport direct entre les instances démocratiques élues et les électeurs. Ici aussi, nous sommes dans la mise en œuvre de la « conscientisation » des masses, plutôt que dans un travail politique qui viserait à proposer des solutions concrètes aux problèmes des gens. Le PTB est davantage dans un jeu d’acteurs (sachant que certains sont particulièrement absents) transformant les hémicycles en cirque politique… alors qu’il voulait arrêter le cirque politique !

9. Leur éventuelle participation au pouvoir

Le PTB se plait dans la contestation. Il siphonne les voix du PS dans le but de devenir un parti hégémonique de gauche. Il utilise les moyens de communication pour diffuser ses actions spectaculaires et infiltre les milieux ouvriers et populaires en vue de les agiter.

Pour autant, il est très peu à l’aise sur la question de la participation au pouvoir. D’abord, Raoul Hedebouw a mentionné que son parti n’arriverait pas au pouvoir avant une quinzaine d’années[22]. Devant des sondages qui plaçaient le PTB très haut, ils ont dû changer leur discours et utiliser différentes excuses pour justifier leur manque de prise de responsabilité. Ainsi, le PTB mentionne qu’il fixe des conditions pour entrer dans une majorité, notamment le renoncement aux traités européens de stabilité budgétaire. Continuant l’argumentaire selon lequel le PS et Ecolo sont coupables de « compromissions », le PTB ne souhaite pas être confronté à la gestion des pouvoirs publics et préfère le confort de la critique de l’opposition. Il continue son travail de propagande. Ainsi, le Président du PTB, Peter Mertens, indique dans une interview[23] que le PTB veut une « rupture radicale dans tous les domaines » et qu’il « sera impossible de mener une telle rupture sans la mobilisation et l’organisation des gens, sans l’implication et la conscientisation des travailleurs et de grandes couches de la population ». Le PTB se révèle donc être un agitateur davantage qu’une organisation politique capable de prendre ses responsabilités.

Le PTB préfère rejeter la faute sur les autres partis politiques, estimant que ce sont le PS et Ecolo qui doivent « changer radicalement de politique ». Le procès est fait au PS d’avoir mené une politique de droite parce qu’il est « contaminé par le néolibéralisme ». Au passage, inutile de souligner que les avancées sociales obtenues par nos camarades dans les différents gouvernements et collèges sont passés sous silence… Interrogé sur la sortie de la FGTB qui dit souhaiter la formation d’une coalition des partis de gauche, PS Ecolo PTB, Peter Mertens répond qu’il ne croit pas « que le PS veuille une rupture avec la politique européenne et sa propre politique des 25 dernières années ».

Le président du PTB renvoie donc systématiquement à des procès d’intention quant aux positions des autres partis pour pouvoir ensuite mentionner qu’il n’est pas responsable de la non formation d’un gouvernement de coalition de gauche.

L’autre élément de discours du PTB est de mentionner qu’il souhaite s’appuyer sur un mouvement social fort. Il s’agit ni plus ni moins que de la mise en application du principe du « Parti de la révolution » de Ludo Martens (développer la conscience révolutionnaire). Le PTB souhaite grandir, s’appuyer sur des actions spectaculaires et pouvoir continuer à recruter des membres pour pouvoir porter son message. Dans son interview, Peter Mertens mentionne que le PTB « a toujours dit (…) vouloir une rupture radicale dans tous les domaines où cette influence (celle des grands actionnaires) s’exerce. Mais il sera impossible de mener une telle rupture sans la mobilisation et l’organisation des gens, sans l’implication et la conscientisation des travailleurs et de grandes couches de la population. C’est un travail de longue haleine. » Il confirme que le PTB ne souhaitera pas prendre ses responsabilités : « Nous voulons l’émancipation des gens. Cela veut dire que les gens s’organisent, se conscientisent et se mobilisent. Il est absurde de parler d’une participation gouvernementale sans qu’on ait construit un contre-pouvoir. » Il estime que la voie que choisit le PTB est celle du « mouvement d’en bas qui aspire à un changement social, démocratique et écologique radical ». Cette envie de mettre en avant un mouvement sociale fort est toutefois paradoxale avec le mode de fonctionnement interne du PTB, où le pouvoir de décision se trouve dans les mains de quelques dirigeants seulement.[24]

Enfin, s’il lui est rétorqué que bon nombre d’avancées sociales ont été obtenues lorsque le PS a siégé au Gouvernement, le PTB répond qu’elles n’ont été obtenues que par la mobilisation des citoyens. Or, bon nombre d’avancées sociales, économiques ou éthiques[25] ont pu être réalisées grâce à la participation gouvernementale du PS. A contrario, l’absence du PS des Gouvernements démontre combien ces avancées restent fragiles et sont détricotées par la droite.

Le PTB se veut donc avant tout agitateur du monde politique, reprenant des mobilisations sociales à son compte pour se poser en champion des contestataires, dans l’attente de l’avènement d’une révolution. Dans les faits, par ses déclaration et actions, le PTB s’exclut lui-même !

10. Conclusion

Elire ses représentants, c’est choisir qui l’électeur souhaite voir à la tête de sa commune, de sa région ou de son pays.

Le PTB a fortement grandi à l’encontre du PS. Utilisant une dynamique de propagande et d’agitation des conflits, il prend une place médiatique qui lui permet de faire connaître ses actions contestataires. Son but n’est pas de gouverner, mais bien de souffler sur les braises de la contestation jusqu’à l’avènement de la révolution.

Le PTB est rempli de paradoxes mais également de doutes sur l’avenir. La majorité de ses adhérents sont flamands, tandis que l’électorat est majoritairement wallon. Il se définit comme un Parti qui « doit encore grandir » mais certaines tensions apparaissent entre ceux qui souhaitent « attendre le grand soir » et ceux qui souhaitent prendre des responsabilités pour démontrer leurs convictions. Enfin, ils ont u problème de recrutement, tant de cadres que de militants capables de se présenter aux élections[26].

La doctrine communiste révolutionnaire n’a pas changé, le vernis est différent. Les éléments d’action et de langage sont similaires quels que soient les terrains : dénoncer, agiter les contestations, pointer du doigt les responsables politiques, plus spécifiquement les socialistes et ne rien proposer d’autres que des mesures conditionnées à un changement radical, notamment la sortie des traités européens

La première cible du PTB est le PS. En omettant de souligner les avancées obtenues par l’action des mandataires socialistes, en critiquant leur gestion des villes, le PTB souhaite avant tout siphonné l’électorat du PS à son propre profit. Pourtant, la posture de non-participation au pouvoir en fait directement des voix doublement perdue ; d’abord parce qu’elles ne sont pas destinées à la gauche qui veut prendre ses responsabilités, ensuite parce que, la gauche étant déforcée, la droite dispose –parfois- d’un boulevard pour accéder aux commandes.

Le PTB ne reconnaîtra pas sa responsabilité dans l’arrivée du Gouvernement de Charles Michel, mais il sait qu’il en est en partie responsable.

La seule voie crédible pour permettre à la gauche de vaincre, c’est de voter PS.

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[1] Le PTB entretient une grande ambiguïté sur sa relation avec la Corée du Nord. En 2011, à l’occasion d’un séminaire communiste international, une délégation du PTB signait une déclaration mentionnant le soutien et la plus ferme solidarité des partis communistes et ouvriers avec le Parti du Travail de Corée, omettant les exactions du régime dictatorial en place. (source RTBF)

De plus, toujours en 2011,à l’occasion du décès du leader Kim Jung Il, Comac, le mouvement étudiant du PTB, avait envoyé une délégation et des condoléances.

Ces relations avec le régime nord-coréen ont été démenties, notamment en évoquant le caractère militaire du régime. (source PTB.be)

[2] Contre la prétendue gestion « comme une entreprise privée » des communes, contre la privatisation de la SNCB, contre la baisse des montants des pensions, contre la gestion communale des logements sociaux, contre les projets immobiliers modernes qui embellissent les villes, contre les taxes poubelles (en faisant fi de l’obligation européenne du cout-vérité), contre les traités européens…

[3] source RTBF

NationBuilder est une entreprise américaine fondée en 2009, gérant des banques de données et l’animation de site web. Au vu du scandale de Cambridge analytica, il peut être opportune de rappeler aux membres du PTB qu’ils jouissent des services de big data d’une société capitaliste américaine…

[4] Il est particulier de noter que le PTB doit faire le grand écart entre le fruit de ses enquêtes, sensées mettre en avant les attentes de la population et sa base idéologique communiste révolutionnaire. A moins que l’ensemble de sondés ne soient également communistes révolutionnaires, les priorités ont dus se définir sous tension. Pour éviter cet écueil, le PTB a eu à cœur d’orienter les questions des enquêtes sur ses thématiques de prédilection (démocratie, revenus des élus, jeunesse, logement, taxes, vie dans les quartiers) en ne proposant que des réponses orientées vers leurs thèses (ex : les politiques doivent gagner maximum deux fois le salaire moyen d’un travailleur, consulter la population sur les projets importants, publication des revenus et des mandats publics et privés des mandataires, lutter contre les logements abandonnés, augmentation du budget du CPAS…)

[5] Le Soir, 25 aout 2017, Comment le PTB fait payer ses militants ?

[6] Pourquoi les élus du PTB vivent avec un salaire moyen de travailleur? 14 février 2017, site www.ptb.be

[7] Slogan de campagne : « Stop aux profiteurs, obligeons les politiciens à rendre publics tous leurs revenus »

[8] Le PTB ne dispose pas d’assez de députés pour former un groupe politique ; il ne dispose donc pas des mêmes possibilités de temps de parole ou d’interpellations. Cependant, rien n’interdit aux députés PTB d’assister aux travaux de commissions mais il est vrai qu’ils ne viennent que rarement !

[9] source DH

[10] source L’Echo

[11] Le coefficient du siège 15 attribué au MR est de 31.609, tandis que le 16e score est attribué au PS pour 31.316. Le PTB affaiblit le PS et « offre » le 15e siège au MR.

[12] Visé, Oupeye, Herstal, Liège, Saint-Nicolas, Grâce-Hollogne, Seraing, Flémalle, Verviers et Huy

[13] Le total des dépenses publiques engendrées par les Jeux d’Athènes est estimé entre 11 et 20 milliards de dollars selon les analystes. Ces dépenses ont essentiellement été couvertes par des emprunts. D’une manière générale, de 2002 à 2009, l’Etat grec a dépensé 830 milliards tandis que ses recettes n’étaient de que de 680… Le déficit budgétaire était de 3.7% du PIB en 2003 et de 7.5% l’année des Jeux, faisant grimper la dette publique de 182 à 201 milliards d’euros.

[14] Irlande, Portugal, Espagne

[15] Le labo des gauches gagne en expérience, in Libération, 24 novembre 2016 source Libération

[16] Le chômage portugais s’élevait à 16% en 2013, 14.4% en 2014, 12.2% en 2015, 11.1% en 2016 et 8.8% en 2017.

[17] Passé de 505 à 557 euros.

[18] source TV5 monde

[19] A Bruxelles, le PTB a manifesté pour le maintien du parc aquatique Océade, en opposition à la revitalisation du site en un centre commercial. Depuis quand les communistes souhaitent-ils le maintien d’activité privée en lieu et place d’autres activités privées ?

[20] Un récent sondage indiquait que Theo Franken disposait d’un très bon score de popularité auprès de l’électorat d’extrême gauche. Le racisme d’extrême gauche se développe également en Allemagne (mouvement Aufstehen). Reniant les luttes pour l’intégration et contre le racisme menées par la Gauche, le PTB souhaite ne pas s’aventurer sur ce terrain et botter en touche ; la position du PTB est que si les puissances impérialistes américaines, alliées aux Européens, n’avaient pas mené les guerres qu’ils mènent au Moyen-Orient, la question de l’immigration ne se poserait pas. Ce constat est totalement faux dès lors que l’Europe a toujours été un territoire de migration et que l’ensemble des réfugiés ne provient pas uniquement de cette zone de conflit. Enfin, le PTB dispose d’une relation très étroite avec le régime de Bachar El Assad, responsable des atrocités de la guerre en Syrie.

[21] Son attaché parlementaire est Damien Robert, chef de groupe du PTB à Seraing et Président provincial. Pour des gens qui sont contre le cumul des mandats et des revenus…

[22] source RTBF

Le 22 juin sur les antennes de la RTBF, Raoul Hedebouw annonce: “Au niveau communal, par contre, le PTB est prêt à assumer ses responsabilités: « Le PTB est ouvert pour participer à des majorités tant qu’il n’est pas la 5e roue du carrosse. » Il indique que son parti travaille à sa percée dans les grandes villes wallonnes, bruxelloises et anversoises. Il cite l’exemple d’Herstal.”

Cette prétendue ouverture communale est à mettre en relation avec la condition sine qua non de sortie des traités européens, qui se décide… au niveaux fédéral et européen!

[23] source PTB.be

[24] Voir La démocratie interne du PTB.

[25] Interdiction du travail des enfants, développement du logement social, droit de grève, revenu minimum garanti, création de la sécurité sociale, allocations familiales, allocations de chômage, plan Marshall, soutien aux entreprises, développement des entreprises publiques (transport, énergies, banques et assurances…), dépénalisation de l’avortement, abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’euthanasie, autorisation du mariage homosexuel.

[26] Certaines listes sont incomplètes (Grace-Hollogne…), d’autres communes ne sont pas couvertes (alors qu’ils disposent de membres, comme à Blegny, commune du député régional Frédéric Gillot). Par ailleurs, le Parti doit recruter différents « cadres ». Il en trouve certains dans les mouvements jeunes (Comac) mais il semble atteindre un plafond.

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