L’octroi d’une première semaine de congés payés à (presque) tous les travailleurs par le Ministre socialiste hennuyer du Travail Achille Delatre en 1936 est à la fois le début et l’aboutissement de cette histoire.
Si, bien sûr, la noblesse puis la bourgeoisie pouvaient depuis longtemps déjà se permettre de prendre des vacances, de premiers congés sont octroyés en Belgique bien avant 1914 dans les administrations publiques grâce – surtout – aux socialistes, dans les coopératives, les banques et assurances. Dans les années 1920, des ouvriers commencent à en recevoir de leur patron. L’on comprend en effet progressivement que ce repos peut améliorer la rentabilité des travailleurs. Les plus gros employeurs que sont les charbonnages et la sidérurgie ne participent pas au mouvement. Nos voisins anglais et allemands sont bien plus avancés dans le nombre de personnes y ayant accès et ce dès le début du 20ème siècle.
En réalité, la priorité des syndicats belges est avant tout portée sur une réduction du temps hebdomadaire de travail. Après l’octroi du congé dominical en 1906, le gouvernement réduit celui-ci à 48 heures par semaine et 8 heures par jour en 1921 puis 40 par semaine en 1936. Les avancées sociales de 1936, auxquelles s’ajoute l’octroi d’un revenu minimum garanti, ont été conquises à l’issue d’une grève générale de près d’un mois partie des docks d’Anvers et rejointe en premier par les mineurs et métallos liégeois. Il est à noter que les travailleurs des petites entreprises n’auront droit aux congés payés que deux ans plus tard.
L’Etat et les organisations ouvrières vont veiller à ce que les ouvriers n’utilisent pas « bêtement » le temps libre qu’ils ont acquis en versant dans la
débauche et la violence pour reprendre les arguments de ses détracteurs. C’est ainsi que se développent l’éducation permanente, les mouvements de jeunesse, cercles sportifs, théâtraux, chorales… Des initiatives vont aider à démocratiser financièrement parlant le tourisme, comme la création du Pobocsum, l’office de voyage du POB, de section de l’Internationale des Amis de la Nature et la création par les Femmes Prévoyantes Socialistes de centres de vacances à destination des enfants comme les Floricots à Tihange ou le Valeureux liégeois sur la côte belge. La démocratisation des vacances augmentera encore avec l’octroi d’un double pécule de vacances en 1947.
Le nombre de congés montera à 2 semaines en 1952 puis 3 en 1966 et 4 en 1975 avec des variations suivant le type de travailleurs et leur âge. L’accroissement du temps libre va révolutionner la société en aboutissant à la fois à un renforcement des liens familiaux – du fait de l’augmentation du temps passé en famille – et à la mise en place d’une société de consommation qui finira par augmenter l’individualisme.
Guillaume Rimbaud (ALPHAS, juillet 2018)
Sources principales :
- Jean-Jacques Messiaen et Arlette Musick, « Les vacances ouvrières, le droit et la pratique », dans Socialisme, n° 195-196 (mai-août 1986), pp.213-219
- Parti socialiste : créateur de progrès depuis 125 ans, éd. Renaissance du livre, Bruxelles, 2010
- Pierre Tilly, Les Congés payés, une véritable révolution, analyse de l’IHOES n° 166 (2016)
- En marche (journal de la mutualité chrétienne), 15 juin 2006
- Jean-François Noulet, Les congés payés en Belgique ont 75 ans, reportage du journal télévisé et site web de la RTBF, 28 juin 2011
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