Homme politique socialiste né à Marcinelle en 1863, docteur en droit, Jules Destrée représenta Charleroi de 1894 à 1936. Il fut ministre des Sciences et des Arts (1919 – 1921). A ce titre, il fonda l’Académie royale de langue et de littérature françaises.
Il est considéré comme un des pères du Mouvement wallon. Ses premières prises de position sur la question communautaire expriment à la fois sa volonté de redresser les injustices dont souffraient légalement les Flamands, et son attachement à la Belgique de 1830. Il défend, dès 1895, l’égalité historique et culturelle de fait des Wallons et des Flamands, et la nécessité de leur maintenir une même attention dans le cadre de l’Etat.
C’est ce principe qui l’amène à voter, avec la majorité, la loi Coremans-De Vriendt (1898) accordant l’équivalence juridique des textes flamands et français des lois et arrêtés royaux. Cette position, qui pour lui dépasse le jeu des partis, lui vaut d’être considéré comme un traître par la Ligue wallonne de Liège qui fustige les députés wallons qui ont voté la loi. Destrée, quant à lui, répète de façon constante et incessante (et jusqu’à la fin de sa vie) son souci de voir la Belgique se maintenir malgré l’originalité de ses composantes, mais il affirme son identité wallonne et son appartenance à la civilisation française. C’est au nationalisme belge qu’il s’en prend, et particulièrement à la croyance en l’ « âme belge ».
En 1911 et 1912, le député de Charleroi frappe par trois fois l’opinion publique, et interpelle le monde politique. Il organise une solide et première exposition consacrée à l’art wallon. C’est ensuite son projet autonomiste qui est approuvé au Grand Congrès national wallon de 1912. Face à un auditoire traumatisé par la défaite de la gauche libérale et socialiste wallonne aux élections législatives de 1912, Destrée en appelle à la riposte graduée : ce sera au moins la séparation administrative qui sera réclamée, les modalités de ce fédéralisme de principe seront définies selon l’attitude future des Flamands. Cette même question, il la pose directement dans sa célèbre Lettre au Roi : « Une Belgique faite de l’union de deux peuples indépendants et libres, accordés précisément à cause de cette indépendance réciproque, ne serait-elle pas un Etat infiniment plus robuste qu’une Belgique dont la moitié se croirait opprimée par l’autre moitié ? » (1912).
A chaque occasion, de 1919 à 1923, Destrée proclame son attachement à l’idée nationale belge, à la dynamique décentralisatrice basée sur les régions, à l’autonomie communale et rejette, tout à la fois, la contrainte administrative en matière de langue et le bilinguisme appliqué à l’ensemble de l’Etat belge. Dans le Compromis des Belges passé en 1929 avec Camille Huysmans, en compagnie de 26 autres députés wallons et flamands, Jules Destrée franchit le pas de l’homogénéité linguistique et culturelle de la Flandre et de la Wallonie. Pour Bruxelles, ses souhaits sont précis : la reconnaissance du caractère bilingue de la région linguistique en rectifiant les limites des arrondissements selon la volonté de la population des communes égarées et le respect par les Flamands de l’intégrité française de la Wallonie.
Avant sa mort, le 3 janvier 1936 à Bruxelles, Jules Destrée a donné son accord à Achille Carlier pour qu’il réalise une réédition de la Lettre au Roi qui parut, cette fois, à titre posthume.