Les origines
Le 1er mai, la fête du travail, trouve son origine dans les premiers combats socialistes. Aux Etats-Unis, au cours d’un Congrès tenu en 1884, une fédération syndicale américaine adopte une résolution visant à imposer au patronat la limitation de la journée de travail à 8 heures. Le lancement de l’action se fera le 1er mai, date correspondant pour de nombreuses entreprises américaines au début de leur année comptable, coïncidant avec la date d’échéance de nombreux contrats ouvriers. Une grève générale est lancée le 1er mai 1886. A Chicago, le mouvement se prolongera et dégénérera en affrontements entre manifestants et policiers, provoquant plusieurs morts.
Lors de la tenue de la Deuxième Internationale ouvrière socialiste à Paris en 1889, le Congrès décidera d’institutionnaliser la date du 1er mai en une journée de manifestation ayant pour objectif la réduction de la journée de travail à 8h. Les « fêtes du travail » sont nées et de multiples manifestations sont organisées dans de nombreux pays. Paradoxalement, en Amérique du Nord, la fête officielle du travail a finalement été fixée au premier lundi de septembre.
Le 1er mai en Belgique
En Belgique, de nombreuses manifestations firent l’objet d’interdiction par les autorités communales. Le Parti Ouvrier Belge, né en 1885, suivit tout de même l’injonction de l’Internationale ouvrière socialiste. La Fédération liégeoise du Parti Ouvrier Belge, comme ailleurs, mit tout en œuvre pour que les rassemblements se déroulent dans le calme, notamment en excluant les perturbateurs et… en interdisant la consommation de peket. En 1901, le Bourgmestre liégeois Gustave Kleyer, libéral, autorise la manifestation. La Fédération liégeoise du POB proposera d’ouvrir la manifestation aux travailleurs ayant d’autres opinions politiques. Au cours de l’histoire, seules les fédérations liégeoises et bruxelloises ont proposé cette ouverture militante.
La journée de travail de 8 heures fut finalement obtenue en 1921. Généralisant une pratique de limitation du temps de travail qui avait déjà été conquise dans différentes entreprises, le projet de loi est déposé par le Ministre socialiste Joseph Wauters. Le 1er mai reste cependant l’occasion pour le mouvement socialiste de porter d’autres revendications sociales.
Les festivités et les symboles
Le 1er mai, en plus d’être un jour de combats et de revendication, se caractérise également par une dimension joyeuse. Différentes activités festives et folkloriques, telles la musique, les chansons ou les majorettes prirent progressivement place dans la manifestation. Ces ajouts vinrent également renforcer le caractère convivial vers lequel a évolué la fête du 1er mai. Le rassemblement est désormais devenu familial est les femmes et enfants accompagnent les maris et pères ouvriers.
Le symbole du muguet s’est imposé à partir des années 1930. Initialement, le coquelicot ou l’églantine écarlate étaient fièrement portés par les manifestants, notamment en souvenir des événements sanglants de Fourmies, bourgade du Nord de la France qui, en 1891, avait vu la manifestation du 1er mai tourner au drame, une fusillade entraînant notamment la mort de deux jeunes enfants. Quelle que soit la fleur, le mois de mai symbolise également la renaissance de la nature, la plantation de l’arbre de mai participant également à la liste de ces symboles. Ces différentes activités sociétales ne furent pas du goût de l’église catholique qui, en 1955 sous l’égide du Pape Pie XII, instaura au 1er mai la fêté de la saint Joseph le travailleur, père de Jésus.
Le 1er mai à Liège
Le 1er mai liégeois dispose de nombreuses traditions. Ainsi, après les discours politiques et militants, un cortège est organisé dans les rues de la ville, avant l’ouverture de différentes festivités. A l’occasion des discours, outre les orateurs politiques, une place importante est offerte à l’Action commune. Ainsi, la Mutualité et les syndicats disposent d’une tribune permettant de rappeler les combats progressistes et les conquêtes à soutenir. Les aînés et les jeunes disposent également de l’opportunité d’exprimer leurs attentions et revendications.
Le cortège du 1er mai liégeois fut jadis organisé selon les différents quartiers de la Ville. Ainsi, initialement, un large cortège pédestre partait de la banlieue industrielle pour converger vers la Maison du Peuple « La Populaire ». Différents cortèges seront ensuite organisés dans les quartiers populaires d’Outremeuse, du Longdoz, d’Amercoeur et de Hors-Château. A partir de 1918, le cortège ne se déroulera plus que dans le centre ville et adoptera à partir de 1931 le parcours que nous connaissons actuellement, du Parc d’Avroy jusqu’à la Place Saint Paul. Dans le reste de la province, d’importantes manifestations sont également organisées à Huy, à Waremme à partir de 1926, à Verviers et en Ourthe-Amblève.
L’évolution du 1er mai
Progressivement, les luttes sociales deviennent des acquis sociaux, au fur et à mesure des participations gouvernementales socialistes. Les mesures relatives aux droits des travailleurs, à l’instruction publique, à l’assurance santé ou à l’assurance emploi sont autant de combats socialistes. La tribune du 1er mai devient l’occasion de défendre ces conquêtes. Durant l’entre-deux-guerres, face à la montée de l’extrême-droite, le pacifisme devint un maitre-mot des rassemblements du Parti Ouvrier Belge. L’apport du soutien aux camarades socialistes renversés et opprimés par des régimes dictatoriaux conservateurs, en Espagne notamment, et l’opposition des Jeunes Gardes Socialistes au service militaire furent des moments mobilisateurs.
Le fédéralisme et le soutien au mouvement régionaliste devinrent à partir des années 1960 une autre revendication forte. Le 1er mai 1969 fut marqué à Charleroi par le discours du Président national du Parti Socialiste Belge Léo Collard en faveur d’un rassemblement des progressistes, autrement dit un rassemblement des gauches (chrétienne, communiste, Mouvement populaire wallon). Dans un contexte de fermeture des charbonnages et des menaces qui pèsent sur les bassins sidérurgiques wallons, André Cools lance à Liège le 1er mai 1976 un nouvel appel au rassemblement progressiste.
Le 1er mai aujourd’hui
La place des services publics, patrimoine de ceux qui n’en n’ont pas, l’évolution de la question régionaliste, l’enseignement, de nouvelles revendications en matière de temps de travail, la lutte contre les inégalités, la lutte contre la fraude fiscale, la défense de l’initiative industrielle publique ou l’égalité homme-femme furent autant de thématiques politiques abordées lors des derniers meetings du 1er mai à Liège. De telles mobilisations participent à l’évolution législative et les avancées politiques majeures sociales, éthiques ou économiques puisent nombre de leurs racines dans la mobilisation de chaque camarade lors de la Fête du travail du 1er mai.
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SOURCES :
– Linda Musin et Marc Lorneau, Catalogue de l’exposition (de l’ILHS / ALPHAS) sur les 100 ans de premier mai en Province de Liège, Liège, 1990 ;
– Arlette Musick et Jean-Jacques Messiaen, « Les premiers Mai en Wallonie et à Bruxelles », dans Socialisme n° 206 (mars-avril 1988), pp. 95-98 ;
– Linda Musin, 1885-1985 : Histoire des Fédérations : Liège, coll. Mémoire ouvrière, éd. PAC, Bruxelles, 1985 ;
– Robert Falony, « Le Parti socialiste : un demi-siècle de bouleversements : De Max Buset à Elio Di Rupo », éd. Luc Pire (Collection Voix Politiques) et PAC, Bruxelles, 2006 ;
– Gilbert Mottard, « Je n’étais pas fait pour cela : 50 ans de vie politique à Liège et ailleurs », éd. Racines, Bruxelles, 1997 ;
– François Brabant, « Histoire secrète du PS liégeois : Cools, Mathot, Onkelinx, Daerden et les autres », éd. La Boîte à Pandore, Paris, 2015.