1. Introduction
Le salaire minimum est actuellement fixé en Belgique à 9,65 €/heure[1], soit 1340 € net par mois ce qui est clairement insuffisant pour faire face aux dépenses de la vie courante (logement, énergie, transport, frais médicaux, alimentation, scolarité des enfants). Pour rappel, le seuil de pauvreté est en Belgique de 1.115 € net par mois.
Le thermomètre Solidaris montre qu’en 2016, 4 travailleurs sur 10 disaient ne pas pouvoir économiser et avoir du mal à joindre les deux bouts.[2] L’enquête démontre que, plus le salaire se rapproche du seuil de pauvreté, plus le travailleur est jeune, peu diplômé, détenteur d’un temps partiel en contrat précaire. En outre, les travailleurs « pauvres » sont surtout des « travailleuses ». En effet, 41% des femmes vivent en-dessous du seuil de pauvreté contre 29 % des hommes.
Pour pouvoir vivre dignement, sans s’endetter, sans devoir se priver d’une vie sociale ou de vacances et évidemment sans devoir réduire ses dépenses de santé, d’éducation des enfants ou même alimentaires, un ménage devrait être en capacité d’assumer un niveau de dépenses de l’ordre de 30.000 € par an.[3] Cela correspond à une rémunération de l’ordre de 14,87 € brut de l’heure soit 2.300 € brut/mois (1.600 € net/mois).
Depuis 2018, l’écart salarial que la Belgique avait accumulé par rapport à ses pays voisins à partir de 1996 a été résorbé. De plus, notre pays est aussi sur le podium des pays avec la productivité horaire la plus élevée dans l’OCDE.[4] L’étude conjointe menée par ETUI et ETUC en avril 2018 montre qu’entre 2000 et 2016, la productivité a augmenté 2 fois plus que les salaires en Belgique.[5] Si les salaires sont constamment en retard par rapport à la croissance de la productivité, les travailleurs ne reçoivent pas leur juste part de richesse produite. C’est non seulement injuste, mais économiquement néfaste puisque la croissance s’en retrouve freinée. En effet, les salaires restent la source principale de revenus des ménages et la consommation privée constitue la majeure partie de la demande dans notre économie.
2. Contexte et financement
Le 21 février 2019, des militant.e.s FGTB ont été à la rencontre des partis politiques liégeois afin de les sensibiliser à la revalorisation du salaire minimum. Le PS, par la voix de Frédéric Daerden, vice-chef de groupe PS à la Chambre en charge des matières sociales, a confirmé le dépôt d’une proposition de loi pour porter cette revendication.[6]
Ce travail de réflexion et d’action qui vise à faire coïncider l’intérêt des travailleurs avec les propositions défendues à la Chambre se retrouve également dans d’autres thématiques. Nous avons des propositions notamment pour réformer la loi de 1996, pour revoir l’accès aux allocations de chômage et d’insertion, pour lancer une réduction collective du temps de travail de manière ciblée et concertée…
Par salaire minimum, on entend revenu minimum mensuel garanti (RMMG). Le volume de travailleurs concernés par l’augmentation du salaire minimum en équivalent temps plein est de 166.182 (Source : Conseil Central de l’Economie).
La masse salariale du secteur privé peut être estimée à 120 milliards pour 2020. (Source : ONSS). Pour les années 2021 à 2024, la masse salariale est majorée de 2% Chaque année. Au 1/07/2018, le RMMG brut est de 1.563 € soit 1.954 € avec les cotisations ONSS. L’augmentation du RMMG est réalisé en cinq phases pour atteindre un RMMG brut de 2.300 € soit 2.875 € avec les cotisations ONSS.
- 1er phase : 1/01/2020 : le RMMG brut est de 1.954 € soit 2.442 € avec les cotisations ONSS. RMMG + 25%
- 2ème phase : 1/01/2021 : le RMMG brut est de 2.040 € soit 2.550 € avec les cotisations ONSS. Augmentation de 86 €
- 3ème phase : 1/01/2022 : le RMMG brut est de 2.126 € soit 2.658 € avec les cotisations ONSS. Augmentation de 86 €
- 4ème phase : 1/01/2023 : le RMMG brut est de 2.212 € soit 2.765 € avec les cotisations ONSS. Augmentation de 86 €
- 5ème phase : 1/01/2024 : le RMMG brut est de 2.300 € soit 2.875 € avec les cotisations ONSS . Augmentation de 88 €
Du 1/01/2020 au 1/01/2024, l’augmentation du RMMG inclut chaque année l’indexation et les augmentations salariales pour ce qui concerne le RMMG. Pour les salaires au-dessus du RMMG, les règles d’indexation et d’augmentation ainsi que les cotisations ONSS s’appliquent. Pour 2020, le RMMG est augmenté de 25%. Le RMMG est augmenté de 86 € en 2021, 2022 et 2023 et de 88 € en 2024. A partir du 1/01/2025, les règles d’indexation et d’augmentation s’appliquent au RMMG.
Le financement est assuré par une cotisation patronale solidaire de l’ordre de 1,18% (en moyenne) de la masse salariale à verser à l’ONSS pour les années 2020, 2021, 2022, 2023 et 2024. L’ONSS assure le remboursement aux employeurs concernés par l’augmentation du RMMG. En 2024, il sera procédé à une évaluation.
3. Position des autres partis
Au parlement : la proposition de loi du PS a été rejetée en commission affaires sociales du 14 mars 2019. Seul le SP.A. a soutenu la proposition. Le CDH s’est joint à la majorité pour rejeter le texte et Ecolo et le PTB n’étaient pas présents en commission.
Dans la presse : le chef de groupe MR David Clarinval a indiqué que la cotisation patronale de 1,18% allait réduire la compétitivité des entreprises et donc détruire des emplois. Selon lui, il faut baisser le salaire brut au maximum et augmenter le salaire net. (bref il préconise un définancement de la sécurité sociale et des services publics).
4. Questions-réponses
C’est utopique !
Non. Aujourd’hui, il faut bien se rendre compte que le salaire médian est de 18,07 € brut de l’heure. Concrètement, la grande majorité des travailleurs belges gagnent déjà plus de 14 € de l’heure, soit 2.305,33 € brut par mois. Les chiffres du SPF économie montrent qu’en réalité, seulement entre 10% et 20 % des travailleurs à temps pleins n’atteignent pas 14€ brut de l’heure.
Notre proposition est donc tout à fait réaliste et émancipe la minorité de travailleurs qui sont les plus fragiles et singulièrement les travailleurs à temps partiel ou dans des emplois précaires. Rappelons, par ailleurs, que les sociétés belges versent chaque année plus de 14 milliards de dividendes à leurs actionnaires.
Ce n’est pas finançable !
Faux. Chaque année, une cotisation patronale solidaire de l’ordre de 1,18% (c’est moins que le bénéfice réalisé par les patrons suite au saut d’index de 2%) en moyenne de la masse salariale serait versée à l’ONSS, celui-ci assurant le remboursement aux employeurs concernés par l’augmentation du salaire minimum. Ce système assurerait une solidarité entre les petites, moyennes et grandes entreprises.
Pourquoi augmenter la cotisation patronale et pas diminuer le brut ?
Les partis de droite freinent toutes les avancées positives pour les travailleurs en prétextant systématiquement le risque pour la compétitivité. Rappelons que l’écart salarial que la Belgique avait accumulé depuis 1996 a été résorbé en 2016. De plus, les subsides salariaux dans notre pays sont 4 fois plus importants que dans les pays voisins. Dès lors, si on souhaite parler de compétitivité, alors il faut avoir l’honnêteté de tout inclure dans le calcul de celle-ci. Une fois que cela est fait, il faut savoir dans quelle société on veut vivre. Pour le PS, il faut des soins de santé de qualité et des services et équipements publics performants. Pour cela il faut un niveau de cotisations suffisant.
retour aux analyses d'actualité
[1] En Belgique, des salaires minimum sont fixés par des conventions collectives de travail conclues au sein du Conseil national du travail ou des commissions paritaires. Le montant dépend de votre fonction, de votre âge et de votre ancienneté.
[2] Mutualité Solidaris, « Thermomètre n°9 : le travail protège-t-il de la pauvreté ? », Octobre 2016, p. 160
[3] FGTB Wallonne, « 14 euros, pour qui ? pourquoi ? », Dossier pédagogique, Septembre 2017, p. 8
[4] OECD, « Level of GDP per capita and productivity », OECD Stat
[5] ETUC, « Pay rises would have been 4 times higher if they matched productivity », 19 avril 2018,
[6] Proposition de loi PS relevant le salaire minimum à 14 euros de l’heure